EPI – Episode 2 : à la conquête du rail IP

Nov 20, 2020

Précédemment, dans l’épisode 1

Le lancement officiel d’EPI va accélérer le mouvement d’hybridation des paiements et favoriser l’émergence du sous-jacent technologique que constitue désormais le Sepa Credit Transfer Instant Payment (SCT IP). Ceci a pour conséquence de massifier les traitements transactionnels du SCT-IP et de renforcer un mouvement de consolidation du marché des acteurs processeurs de transactions de paiement. Un rail, combien de locomotives ?

Les banques face à l’effet ciseau

La faiblesse des taux d’intérêt, les obligations de fonds propres élevés, la concurrence de la Fintech et la crise sanitaire viennent peser sur les marges (Santander a accusé sa première perte trimestrielle depuis cent soixante-trois ans). Et les revenus des paiements, notamment de la monétique, autrefois confortables, ne sont pas épargnés par une pression concurrentielle exacerbée ces dernières années. Attaquées sur le marché de l’acceptation par les prestataires de services de paiements (PSP) suite à la DSP1, aujourd’hui face aux néo-banques et à la Fintech sur le marché des porteurs dans le cadre de la DSP2, les marges s’amenuisent pour une activité nécessitant sans cesse d’investir, afin de suivre les évolutions comportementales, technologiques et règlementaires. Et les sommes qui devront être engagées pour EPI vont obliger l’ensemble des banques participantes (et non participantes) à repenser leurs systèmes de paiement existants, et engager une nouvelle vague de restructurations dans les paiements. Si les plateformes nouvelles de traitement du SCT-IP seront un des éléments essentiels qui composeront ces futurs systèmes, il est plus que probable que les systèmes monétiques existants soient écartés du champ de la réflexion, au profit de nouvelles plateformes nativement APIsées. Hors peu de banques peuvent se permettre de se lancer financièrement seules dans cette nouvelle aventure, et de nouveaux jeux d’alliance et de partenariats vont voir leur jour dans les prochains mois. S’en suivra un paysage des paiements totalement recomposé, avec des orientations pour certains sur la construction de nouvelles plateformes mutualisées, quand d’autres préfèreront externaliser et en confier la gestion aux PSP.

Les Prestataires de Services de Paiement, concentration extrême

Fiserv et First Data, FIS et Worldpay, Global Payments et TSYS, Worldline et SIX Payments puis Ingenico, la taille des méga-fusions des éditeurs et prestataires de services de paiement a atteint son paroxysme sur ces deux dernières années en Europe et en Amérique du Nord. Les réseaux internationaux Visa et Mastercard ne sont d’ailleurs pas en reste. Ethoca, vyze, transactis, nets, vocalink pour Mastercard, cardinal, Fraedom, Rambus, payworks, Plaid pour Visa sont les nombreuses cibles acquises depuis 2017 sur des périmètres allant de la compensation interbancaire, aux services de facturation aux entreprises, en passant par la lutte contre la fraude et l’open-banking. Face à cette concentration extrême des acteurs américains, les banques européennes se retrouvent face à un choix des plus limités si celles-ci souhaitent rester dans l’approche qui a animé l’esprit de cette initiative, l’indépendance technologique européenne. Afin de simplifier les recherches, les acteurs européens vers lesquels elles pourraient se retourner se sont regroupés au sein de l’association European Digital Payments Industry Alliance (the EDPIA). Worldline, Ingenico, SIA, nexi et nets entendent répondre à cet appel de l’union européenne afin de créer un marché unique européen des paiements digitaux. Qui d’autres restent-ils dans le paysage ?

Les Fintech, le fossé s’élargit

Face à cette bataille de géants, certains pourront voir dans l’émergence de la Fintech européenne des alternatives à jouer, dans la perspective de nouvelles technologies et d’agilité au déploiement. Toutefois, la fraude orchestrée par Wirecard a jeté une lumière crue sur les nouveaux champions du paiement, et l’éclat des nouveaux acteurs vantant les mérites de la disruption et d’une croissance exponentielle s’est depuis quelques peu terni. Il est peu probable que l’initiative EPI profite à l’écosystème de la fintech, le niveau de complexité et la raréfaction des expertises sur le sujet coupent court à la compétition, qui ne présente par ailleurs qu’une attractivité toute relative face au champ des possibles de l’Open-banking. Car au final, qu’y a-t-il de différent entre un paiement EPI, et un paiement Visa ou Mastercard ? entre un wallet EPI et ApplePay ?

L’EPI, le payeur, et le payé (épisode 3 – à suivre)

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