EPI – Episode 3 : EPI, le payeur et le payé

Nov 20, 2020

Précédemment, dans l’épisode 2

Le lancement officiel d’EPI va accélérer le mouvement d’hybridation des paiements et favoriser l’émergence du sous-jacent technologique que constitue désormais le Sepa Credit Transfer Instant Payment (SCT IP). L’abaissement des barrières techniques et protocolaires au niveau national va rebattre l’ensemble des cartes du paysage européen en massifiant le processing des paiements, entre les banques, les PSPs et la Fintech. Mais quoi de nouveau pour les consommateurs et commerçants européens ?

Le payeur

Quelle sera la différence entre une carte EPI, une carte Visa ou Mastercard, une carte CB, Bancontact ou ServiRed ? fondamentalement rien pour le porteur de la carte. Malgré les campagnes marketing livrées par les différentes marques de Schemes (Réseaux) depuis des années, la perception des porteurs quant à la signification de ce qu’elles recouvrent, notamment dans les pays où un Scheme national est présent, reste floue. Que penser de la persistance du terme Carte Bleue dans le langage au quotidien des Français, quand bien même la marque n’est plus commercialisée depuis des années. Peu importe la marque, l’essentiel est dans l’usage que permet le produit carte. Et pour verser dans le poncif actuel, la crise sanitaire a bel et bien accéléré la digitalisation des paiements. Il est indéniable que l’utilisation de la carte (online et en proximité), et du sans contact en proximité, s’est accrue de manière significative dans l’ensemble des pays européens depuis le 2ème trimestre 2020, et ce, même en Allemagne. Même le paiement mobile sans contact commence à trouver sa place dans les usages en franchissant pour la première fois le cap des plus de 1% d’utilisation en volume dans plusieurs pays [1]. Les premiers produits EPI, sous leurs formes carte physique ou digitalisée dans un wallet, n’auront donc aucune difficulté à coexister avec les produits actuels, dans un marché porteur, et à la main des banques. Par contre, les produits seconds (SCT End-to-end) dépendront à la fois de leur adéquation aux situations d’usage [2], mais surtout de l’accueil réservé par les commerçants à cette initiative européenne.

Le payé

C’est évidemment la clé de voûte de la réussite de l’initiative, au-delà de l’élargissement géographique des 5 premiers pays à l’ensemble de l’union européenne. En théorie, la création d’un Scheme unique européen doit permettre de mettre fin à l’hétérogénéité des systèmes de paiement cartes dans les différents pays (une dizaine de Scheme domestiques, autant de protocoles, spécifications, et certifications) et simplifier l’acceptation de ce type de paiement pour tout commerçant présent dans au moins 2 pays européens. Et deuxième argument de poids, le futur système de paiement hybride, basé sur le rail SCT IP, doit permettre de rendre prégnante la notion d’instantanéité du paiement. Or en pratique, l’initiative va devoir faire face à 3 écueils. Le premier est le coût qui sera associé à l’acceptation des futurs produits EPI. Le principe de l’interchange retenu, il faudra convaincre les commerçants d’accepter ces futures cartes EPI à l’horizon 2022 qui ne seront que des substitutions aux cartes actuelles. Le deuxième en est son corollaire. La coexistence des systèmes et produits ajoutera à la complexité de gestion de leur acceptation, et en surenchérira le coût. Le troisième est l’environnement dans lequel s’inscrit l’initiative : l’ère de l’open banking. Bien que les services d’initiation de paiement soient encore balbutiants en Europe dans les usages B2C, nul doute qu’en 2022, la digitalisation des points de vente et la puissance d’acteurs du numérique modifieront le paysage et les schémas de pensée des systèmes historiques dits 4 coins. L’enfer est pavé de bonnes intentions. L’initiative est nécessaire dans le contexte géopolitique actuel et c’est la dernière occasion de la lancer. Mais cela peut précipiter l’affaiblissement des écosystèmes nationaux et définitivement laisser le champ libre aux acteurs extra-européens. Le train est lancé. Ce sera un aller sans retour, sur le rail de l’IP.

Fin de la saison 1

A paraître : [1] Observatoire des moyens de paiement vague 4 (novembre 2020) [2] Livre Blanc – Le Request-to-Pay en Europe (octobre 2020)
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