MDBC, les banques centrales se mettent à l’heure du numérique

Jan 6, 2021

En 2008, la première crypto-monnaie fait son apparition et a pour but d’apporter une alternative indépendante du système bancaire classique, ébranlé par la crise financière de cette même année. Bitcoin est lancé et constituera un modèle pour les futures crypto-monnaies qui se multiplient dès lors, avec plus ou moins de succès. Ce modèle encore instable, caractérisé par sa forte volatilité, va néanmoins pousser les Banques Centrales du monde entier à étudier la possibilité d’une monnaie centrale numérique et digitale.

Les monnaies digitales dans l’ère du temps

Dans un contexte marqué par l’accélération de l’adoption du numérique, la digitalisation des paiements est en effet devenue une préoccupation de premier plan, pour s’adapter à des usages de plus en plus dématérialisés. Les moyens de paiement traditionnels (espèces, cartes de paiement, chèques) ne constituent plus l’unique manière de régler ses achats et, avec l’ascension de l’Open Banking, de nombreux acteurs font leur apparition dans l’écosystème financier, qui proposent des alternatives numériques. Les flux financiers ne sont donc plus uniquement gérés par les banques, permettant aux Fintechs de proposer de nouveaux concepts : parmi eux, certaines se sont penchées sur les crypto-monnaies, comme alternatives aux systèmes monétaires traditionnels, permettant de les utiliser comme supports d’investissement, voire comme des instruments de paiement.

C’est en partie de ce constat que les grandes banques centrales du monde ont compris la nécessité de s’adapter à l’évolution du secteur pour repenser la digitalisation des systèmes monétaires traditionnels. L’émergence et l’attractivité de tous ces moyens de paiement innovants les ont poussées à accélérer leur réflexion sur le sujet. C’est donc aujourd’hui bien réel : les Banques Centrales mettent en place ce qu’on appelle des MDBC (Monnaies Digitales de Banque Centrale ou Central Bank Digital Currencies), ne voulant pas se laisser dépasser par la concurrence croissante des entreprises privées qui commencent elles-mêmes à proposer ce genre de monnaies numériques. C’est ainsi le cas de Facebook avec Diem (anciennement Libra) dont la crypto-monnaie est prévue pour être lancée en ce début d’année. Facebook a incontestablement servi d’accélérateur à l’émergence des MDBC, face au risque de déstabilisation du système monétaire que les autorités ont perçu dans ce projet alternatif, de la part d’un acteur d’une telle ampleur. Ce danger en termes de stabilité avait été relevé notamment par le G7, qui publiait en octobre dernier une tribune s’opposant fermement à l’autorisation de projets comme Libra en l’absence de cadre règlementaire approprié.

L’une des premières MDBC mises en place de manière effective fut le Yuan digital en octobre 2020. Testé depuis avril dernier dans 4 villes de Chine, c’est à Shenzen qu’il s’est concrètement lancé. Ce sont donc 10 millions de Yuans « digitaux » (50 000 bons de 200 yuans) qui ont été versés sur les portefeuilles électroniques (wallets mobiles) des habitants de la ville, dans le but d’expérimenter la solution.

La Banque Centrale Européenne a également accéléré sa réflexion afin d’étudier rapidement l’opportunité de proposer une MDBC. L’« euro digital » devrait donc entrer en phase de test dans les mois à venir : la BCE a pour cela lancé une consultation publique afin de mesurer les attentes autour de cet euro digital. Ces tests grandeur nature permettront d’évaluer les risques et avantages liés à l’implémentation d’une monnaie digitale. De nombreux doutes persistent en effet sur l’efficacité de ce nouveau système, surtout au niveau de la sécurité de la monnaie. Le principe de blockchain appliqué dans la crypto-monnaie a ses avantages comme ses inconvénients et certaines start-up proposant des crypto-monnaies ont été victimes d’attaques informatiques de grande ampleur. L’objectif pour les Banques Centrales sera de ne pas reproduire ces erreurs, les enjeux étant d’autant plus importants à leur échelle qu’à celle d’une entreprise.

Les différentes applications des MDBC

Les réflexions se portent donc sur la création de deux types distincts de MDBC : l’une dite « de gros », l’autre « de détail ».

La MDBC « de gros » aura pour rôle de faciliter les transactions interbancaires, notamment en créant une blockchain répertoriant de manière numérique tous les échanges concernés. Ces informations seraient partagées en toute transparence par l’ensemble des acteurs financiers, afin de réduire les pannes du système de paiement entre banques qui ont rythmé cette année 2020.

 

MDBC

Source image : Agence code Theorem

La MDBC « de détail » sera celle qui concernera le plus grand monde, puisqu’elle sera théoriquement utilisable par tous les agents économiques, des particuliers aux entreprises. Elle aura pour but de remplacer la monnaie fiduciaire, en proposant des billets numériques et bons digitaux par exemple. Cette tokenisation des actifs financiers veut apporter plus de transparence et d’efficacité au modèle, en réduisant le nombre d’intermédiaires impliqués dans le processus. L’automatisation de certains virements est également envisageable, comme dans le cas des « smart-contracts » : ces API/programmes autonomes appliquent automatiquement des consignes présentes dans la blockchain concernée.

Cette MDBC de détail est aussi une réponse à la baisse de l’utilisation du cash, qui semble inéluctable dans certaines économies.

Ainsi, en Suède, l’application mobile Swish s’est fortement démocratisée. Lancée en 2012 grâce à la coopération de 6 grandes banques suédoises et de la Banque Centrale de Suède, cette application est utilisée par près de 7 millions de Suédois (sur une population totale de 10 millions !) pour régler leurs achats, depuis les dons à l’église locale jusqu’aux courses du quotidien.

Leurs voisins danois ont la même vision concernant les paiements digitaux et surtout l’abandon du cash, avec la décision de la banque centrale du Danemark d’arrêter complètement l’impression de billets fin 2016. Cette décision est notamment due à la relative avance qu’avait le Danemark concernant les paiements et virements instantanés qui, depuis 2014, y sont pratique courante.

Il faut néanmoins rester prudent sur l’implémentation générale de Monnaies Digitales, surtout à l’échelle mondiale. Les exemples donnés ci-dessus restent minoritaires et des contraintes technologiques et comportementales freinent encore l’utilisation plus globale de ces systèmes de paiement numériques. Certaines parties de la population refusent de lier leur activité bancaire avec des applications sur smartphone, ou n’ont tout simplement pas accès à cette technologie.

Il n’est donc pas envisageable pour les différentes Banques Centrales d’imposer une monnaie digitale du jour au lendemain. Il faudra probablement l’implémenter de manière progressive, en tenant compte des contraintes citées précédemment. Une fois ces questions résolues, les moyens de paiement digitalisés pourraient constituer la norme en matière de paiement.

Share This